Les vieux n'entendent que leurs souvenirs
Un trajet, un temps de pause, une prière, un silence, c'est le temps du souvenir.
Temps où le temps s'étire, prend son temps.
Comme un chat il n'attend rien, il ferme les yeux et le voilà. Plus réel finalement que chaque minute qui passe, le souvenir est ce moment qui retrace un seul instant, que l'on rejoue à l'envie. Un baiser devient une heure étirée, prélassée, au ralenti.
Une main qui s'approche, un souffle, un parfum, le souvenir danse. Les mots sont débarrassés des bruits parasites, les paroles sont soufflées, claires comme un son de migraine. Son d'église, home cinéma.Pendant ce temps, chaque instant qui passe est insaisissable, s'enfuit, laisse place au suivant qui glisse inexorable.
Seul le souvenir procure ce fluide, cette indicible vie, cette acuité parfaite qui nous échappait sur l'instant. Le souvenir fait ses choix et revient à volonté. Ce souvenir c'est celui que chacun garde au fond de lui et convoque. Appuie sur play et laisse toi faire, bouge avec lui, caresse ton souvenir et ton souvenir te caresse. La voix perdue du disparu, le parfum des premières fois, la musique, tout est plus net, vrai enfin. Le souvenir a le pouvoir de mettre des notes sur une scène muette, film intérieur, casting revisité.
Enfermé dans le souvenir ? Il transpire pourtant... « A quoi tu penses ? » Sortit, extrait du souvenir, on y reviendra plus tard.
Il n'est rien d'autre que le sourire léger et le regard lointain des vieux. La démence c'est juste le souvenir qui prend le pas sur l'instant.